A la différence de la vinification du vin blanc, où seul le
jus de raisin est mis à fermenter, la vinification du vin rouge
au contraire, est organisée autour du principe fondamental de la macération : c'est-à-dire sur un contact permanent des parties solides de la grappe (les peaux du
raisin et les pépins) avec le jus de raisin qui est mis à fermenter.
Par ailleurs, il convient de rappeler que nous réalisons une sélection rigoureuse des raisins qui pénètrent dans notre cuvier. (voir rubrique : conduite des vendanges).
Après ces remarques préliminaires, nous pouvons dire
qu'au Château d'Arguin, la vinification de nos vins rouges se
fait en quatre étapes : l'éraflage et le foulage,
la fermentation alcoolique et la macération, l'écoulage,
la fermentation malolactique.
La vendange est conduite à un fouloir érafloir qui a deux fonctions :
Après les phases d'éraflage et de foulage, le moût
ou jus de raisin est transféré dans une cuve inox dans laquelle on ajoute un léger sulfitage (anhydride sulfureux)
pour le protéger contre l'oxydation et contre toutes altérations microbiennes.
Ensuite, commencent les opérations simultanées de fermentation
alcoolique et de macération.
* La fermentation alcoolique :
Cette opération dure environ 8 jours pendant lesquels on assiste à un véritable
bouillonnement à l'intérieur de notre cuve ; un bouillonnement qui n'est pas sans rappeler d'ailleurs le bouillonnement de la marmite du druide "Panoramix" !
Mais en réalité ce bouillonnement correspond à la transformation du sucre en alcool par les levures et s'accompagne
d'un dégagement de gaz carbonique et donc d'une montée en température. A ce stade de la vinification, la plus grande vigilance s'impose au vinificateur, car il ne faut jamais
oublier qu'une température trop élevée (> à 32°C) aurait pour effet de tuer les levures et donc
d'arrêter la fermentation alcoolique.
Cependant, grâce à un matériel hautement performant de thermorégulation dont nous avons la chance de
disposer au Château d'Arguin, nous pouvons efficacement contrôler la température de notre cuverie et la maintenir
ainsi entre 28°C et 30°C qui est la température idéale. En outre, ce devoir de vigilance s'impose tellement
à nos yeux, qu'en période de vinification, même pendant la nuit nous ne baissons pas la garde, afin de pouvoir
intervenir à tout moment en cas de nécessité.
Pour ce qui est de ce bouillonnement, que nous évoquions avec un zeste d'humour et qui s'effectue à
l'intérieur de la cuve, nul doute qu'il favorise déjà une première extraction du "chapeau"
qui remonte à la surface de la cuve sous la pression du gaz carbonique. Rappelons que ce "chapeau" ou "gâteau
de marc" est formé par les peaux, les pulpes et les pépins des raisins dont il convient d'extraire les couleurs et les tannins.
Pour cela, nous avons recours à la technique déjà ancienne du remontage, qui date du début du xxème siècle et qui permet de multiplier
les levures par un apport d'oxygène et donc d'amplifier cette première extraction des couleurs et des tannins.
Le remontage, consiste à faire couler le moût dans un
récipient ouvert placé au bas de la cuve ; ensuite le moût aéré est remonté au moyen d'une pompe
sur le dessus de la cuve pour arroser uniformément le chapeau. Nous procédons ainsi à deux remontages par jour de 30 minutes environ. Toutefois la durée de ces
remontages est ralentie en fin de fermentation alcoolique car le gaz carbonique diminue, et le chapeau se trouve de ce fait beaucoup moins
protégé contre le risque de piqûre (bactéries acétiques) : on procède alors à
de "petits remontages en circuit fermé" (10 minutes), c'est-à-dire sans passer par un récipient extérieur.
* La macération :
C'est le temps pendant lequel le jus est en contact avec les parties solides : le chapeau.
Elle peut durer plusieurs semaines, car pour obtenir des vins de garde, la macération doit se prolonger au-delà de la fermentation alcoolique.
On parle alors de "macération postfermentaire", dont la durée
ne doit cependant pas être exagérée pour ne pas risquer d'attraper des goûts herbacés.
Au Château d'Arguin, la durée de la macération est avant tout fonction de l'indice des tannins et de la
dégustation. En fonction de ces paramètres, la macération s'échelonne sur une durée d'environ trois semaines, ce qui permet au vin de se charger en tannins et en couleur et d'être le plus structuré
possible. De plus, certaines années nous n'hésitons pas, une fois la fermentation alcoolique terminée, de
réaliser une "macération finale à chaud", en chauffant la cuve à une température
proche de 30°C, afin d'extraire davantage et d'obtenir des tannins plus fondus.
En résumé, une bonne maîtrise de la macération permet de renforcer "la typicité" d'un vin.
Une fois la macération terminée nous procédons à l'écoulage qui nous permet, en utilisant un
robinet situé au bas de la cuve, de séparer le vin de goutte (vin issu de la fermentation alcoolique et de la macération) du chapeau de marc.
En ce qui concerne précisément le marc issu du chapeau, celui-ci est sorti de la cuve, puis il est préssuré avec beaucoup de modération pour donner
un vin de presse de premier choix, dont la caractéristique est d'être riche en tannins et en
arômes. Des qualités qui se révèleront indispensables au moment de l'assemblage, c'est à dire
au moment de mélanger après les fermentations, les vins rouges issus de cépages différents (Merlot/Cabernet
Sauvignon/Cabernet Franc).
Exemple :
lors de l'assemblage du millésime 2000 du Château d'Arguin, le vin de presse, par son côté minéral
subtil, devait conférer dès le départ à ce millésime le caractère d'un vin de très grande
classe : par la suite, les nombreuses récompenses obtenues par ce vin le confirmeront.
En bref, nous attachons beaucoup d'importance à ce vin de presse, car il a pour vocation au moment de l'assemblage, d'apporter un petit
"plus"...
On entend par fermentation malolactique, la transformation de l'acide malique (beaucoup plus dur) en acide lactique (beaucoup plus souple) par l'intermédiaire des bactéries lactiques.
Normalement, la fermentation malolactique se déclenche quelques jours après la fermentation alcoolique et concerne à la
fois le vin de goutte et le vin de presse, qui sont logés à partir de l'écoulage dans des cuves séparées.
Cette seconde fermentation, ne dure en général que très peu de jours, pendant
lesquels le vin devient pétillant ; elle a pour effet de faire baisser le niveau d'acidité du vin, ce qui lui donne
plus de rondeur, plus de finesse.
Remarquons également, que la fermentation malolactique doit être conduite à une température proche de 20°C, ce
qui oblige à une certaine vigilance à cette époque de l'année où le mois d'octobre est
déjà bien avancé, le froid commençant peu à peu à s'installer à l'intérieur de notre cuvier.
Enfin, une fois que la fermentation malolactique est terminée, on soutire le vin et on le sulfite ;
puis quelques semaines plus tard, après l'assemblage, le vin sera entonné dans des barriques en bois de chêne et
donnera lieu à des opérations d'ouillage, de soutirage et de collage que nous examinerons dans une prochaine newsletter.
En conclusion, on peut dire plus largement que les vinifications tant du vin rouge que du vin blanc obéissent à des règles fondées à la fois sur la tradition et le modernisme , avec notamment l'introduction récente de la thermorégulation , permettant le réchauffement et le refroidissement à volonté des cuves. Mais quand on songe que certains de ces principes, étaient déjà utilisés à l'époque des Romains, comme par exemple : le pressoir, la technique du foulage, et peut-être même la possibilité de chauffer le cuvier, si on se réfère à certaines "traces charbonneuses" bien troublantes découvertes à l'occasion de fouilles, on mesure mieux le poids du passé dans les techniques modernes de vinification.